
Suzanne est écrivaine. Elle anime, pour un trimestre, un atelier d’écriture auprès de jeunes lycéens. Pour ouvrir le bal, elle leur demande d’apporter, au prochain cours, un vieil objet de famille. Chaque ado y est allé de sa trouvaille: un éventail de bal, une vieille bible, une pièce de monnaie ancienne, un sabot en bois, etc. Arsène, un orphelin rwandais nouvellement exilé, n’a rien à amener en classe. Le seul objet qu’il possède est trop gros pour être transporté. À la place, il apporte une photo: la photo d’une vieille valise.
Le jeune Arsène est le seul survivant tutsis du massacre qui a décimé son village. Sentant la marmite bouillonner, la grand-mère d’Arsène l’avait forcé à fuir.
Elle t’avait embrassé tendrement et s’était ensuite dirigée vers le village. Une tempête de sable giflait les murs des maisons, soulevant une nuée ocre sur les habitations comme pour masquer l’horreur. Le moteur d’une Daihatsu accélérait ou pilait, chaque halte décimait une famille. Tu entendais l’écho des balles qui balayaient l’ints. Tu courrais sans t’arrêter, convaincu que tu tenais la main de quelqu’un mais ce n’étais qu’une valise remplie en vrac par une grand-mère trop pressée de sauver son petit-fils aîné.
Cette valise a sauvé la vie d’Arsène: elle l’a protégé des bêtes sauvages et du froid. Un lien fusionnel le relie à elle. Après la fuite, Arsène a connu l’errance, la faim, la peur, le camp de réfugiés, l’arrivée en France, le mutisme, l’adoption, l’école et… cet atelier d’écriture qui vient rouvrir une plaie mal cicatrisée.
Le passé de l’adolescent pesant trop lourd et faisant trop mal, Arsène est incapable d’écrire. Il demande à Suzanne d’écrire son histoire à sa place, de raconter l’indicible. Une douce et fragile complicité se développe entre eux. Ce flot de paroles amène Suzanne à revisiter un moment douloureux de son passé: la mort prématurée de son père adoré. Les tristesses d’Arsène et de Suzanne résonnent à travers le même écho. Les mots dits, écrits, apaisent la douleur et permettent d’ouvrir une porte sur l’avenir.
Les chapitres en italique, rédigés au tu, relatent la vie d’Arsène, écrite par Suzanne. Les autres chapitres mettent en scène Suzanne et son parcours. Ce choix d’entrelacer deux histoires semble en avoir agacé certains… J’ai quant à moi trouvé ce choix judicieux, quoiqu’un petit peu longuet par moment. Il permet de montrer différentes faces de la souffrance, différentes façons de vivre un deuil et de se reconstruire. La peine et la douleur sont tout aussi intenses pour Suzanne – qui a perdu son père lorsqu’elle était enfant – que pour Arsène – dont toute la famille est morte sous les coups des Hutus. Le degré d’un deuil ne saurait se quantifier.
Le style de Yasmine Ghata, tout en pudeur et en délicatesse, contraste avec la force évocatrice de ses images. Des images qu’il me sera impossible d’oublier. Un roman à la fois dur et apaisant, qui fait œuvre de mémoire.
C'est rare que je sois aussi certaine, mais là, pas de doute, il te plairait beaucoup.
Je suis sûre qu'il me plairait, je note l'idée
Ah! Heureuse qu'il t'ait plu. Mais le contraire m'aurait étonné! La richesse des personnages, la solidité de l'intrigue, le style juste et sans pathos… Bref, un très beau roman. J'ai eu bien de la misère à écrire mon billet, tu n'imagines pas. Alors, bonne rédaction! J'ai hâte de te lire.
Terminé hier… Quelle belle lecture! Que de beaux personnages!(J'espère avoir plus de mots pour écrire mon billet!)
Je viens de regarder la bande-annonce de Moonlight. Ouf! Je veux voir ce film.Le «tu» peux rebuter au début, mais on s'y fait rapidement. Pour la puissance de l'histoire, ça vaut la peine de passer par-dessus!
Bizarrement dans ton extrait l'emploi du \ »tu\ » me gêne ! J'ignore pourquoi. Sinon tout le reste me parle. J'ai vu Moonlight et ton gamin silencieux me fait penser au personnage du film. Je le note.
Oui, misère! Nous sommes plusieurs à l'avoir grandement apprécié. Tu devrais joindre ta parole à la notre!
J'ai lu avidement ton billet et on se rejoint: voilà un beau roman, fin et juste.
Encore un qui devrait ma plaire. Misère…
J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman…http://aliasnoukette.fr/jai-longtemps-eu-peur-de-la-nuit-yasmine-ghata/
Je te rassure, ce roman est une montée graduelle vers la lumière. Et oui, on peut parler ici d'hymne à la vie.
J'ai vu que tu lisais \ »Bondrée\ ». J'espère que tu te plais au camping! J'ai hâte de lire ton billet et… j'espère qu'il te plaira autant qu'il m'a plu.
Oui, encore un! Je te rassure, tu auras un peu de répit avec les prochains!
Oh oui, ça sent le coup de coeur! Bonne lecture, Fanny!
Un billet qui donne envie de découvrir ce livre….plus tard pour moi car d'avoir traversé des longs moments douleurs il y a à peine un an j'ai envie de lectures hymne à la vie.
repéré également chez Delphine, et tu enfonces le clou ! ps : je suis en train de lire Bondrée 🙂
Encore un titre que je retiens!
Il est déjà prêt à être lu! Ta conclusion me ravit! Je suis sûre du coup de coeur à venir. (On a la même tentatrice dis donc 😉 )
Wow! D'une seule traite?! C'est bien, ces romans qui font un tel effet. Ça vaut bien les p'tits yeux!
Merci tellement! Sans ton billet, je serais passé à côté, c'est certain.J'espère qu'il fera parler de lui beaucoup plus que maintenant…Et… merci encore!
Je suis tellement contente qu'il t'ait plu ! D'abord parce que je pense que c'est un beau roman et ensuite parce qu'on retient toujours un peu son souffle lorsqu'on sait que quelqu'un a acheté un livre sur ses conseils…Et je partage entièrement ton propos : le degré d'un deuil ne saurait se quantifier. Ces douleurs qui se répondent donnent de la profondeur à ce livre.
Lu d'une traite hier soir (petits yeux ce matin…😎) ta dernière phrase résume bien mon ressenti, roman dur mais oui apaisant. Merci pour ton joli billet.