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Là où la terre ne vaut rien · Ted Conover

Dans la vallée de San Luis, au Colorado, les paysages sont grandioses, à couper le souffle. Des roulottes brinquebalantes et des cabanons déglingués émergent dans le paysage. Attirés par le prix dérisoires des terrains, une poignée de gens s’est installée dans cette vallée en quête d’une nouvelle vie. Certains sont des vétérans, des toxicomanes, des survivalistes, des pro-armes, des fumeurs de marijuana. D’autres souffrent d’anxiété sociale. D’autres encore élèvent leur famille nombreuse. Plusieurs sont des Républicains, pro-Trump. Ils viennent trouver là une vie hors réseau (souvent sans eau ni électricité), un espace à eux pour vivre en toute liberté.

En 2017, Ted Conover entend parler de la vallée de San Luis et des gens qui y vivent. Il décide d’aller y faire un tour. Pas en touriste, là. En plein milieu de nulle part, il loue une roulotte à une famille, puis devient bénévole pour La Puente, une association locale venant en aide aux habitants et aux sans-abris. Il sillonne ces terres semi-désertiques au volant de son pick-up, s’arrêtant ici et là pour donner du bois de chauffage à ceux qui en désire (Les hivers sont particulièrement rudes.). Petit à petit, il gagne la confiance de cette communauté de gens qui vivent de peu, à l’écart des courants dominants.

Quelques années plus tard, le journaliste new-yorkais acquiert un terrain et y pose sa propre caravane, convaincu qu’il serait plus à même de comprendre ces gens s’il vit dans le même environnement qu’eux, comme eux. Pendant quatre ans, il vit parmi ces naufragés volontaires de la société américaine.

Mon projet est de comprendre la vie dans la plaine, et la propriété est un élément central de cette vie. Je pourrais interroger cent propriétaires (et je l’ai sans doute déjà fait), mais il me semble que je les comprendrais beaucoup mieux en étant moi-même un des leurs. En plaçant mes billes. Et l’idée de devenir propriétaire dans la prairie n’a rien d’absurde. Un des indicateurs d’une vie réussie, en ce qui me concerne, est le nombre de situations intéressantes dans lesquelles on peut plonger, apprendre, approfondir. Pour quelques milliers de dollars, on peut embarquer pour un safari en Afrique, un voyage en Amazonie, ou une tournée des bons restaurants en France. Ou bien on peut, comme le disaient les pubs dans les journaux des années 1970, posséder son propre ranch et vivre dans ce qui est, à mes yeux, un des plus beaux endroits au monde.

Ted Conover fait du journalisme d’immersion. Son approche est organique, pleine d’empathie. Le désir de témoigner de la vie des autres, de partager leur quotidien sans juger ni condamner, se ressent à chaque page. J’adore cette approche immersive, à l’écoute. J’ai adoré aller à la rencontre de ces gens, lire des anecdotes tantôt cocasses, tantôt terrifiantes. Ici, la non-fiction se lit comme un roman. J’en redemande!

Là où la terre ne vaut rien, Ted Conover, trad. Anatole Pons-Reumaux, Éditions du sous-sol, 2024, 336 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Alex Moliski

10 comments

  1. Je suis une grande amatrice de non fiction et de journalisme d’investigation et/ou d’immersion même si je n’en lis pas assez à mon goût. Je note ce titre sans aucune hésitation, merci pour la découverte!

    1. J’ai lu Nomadland et grandement apprécié. J’ai vu le film et un peu moins apprécié.
      Tu fais bien de faire le rapprochement entre ces deux ouvrages.

  2. c’est pour ça qu’il faut lire David Grann et d’autres auteurs, là pareil, j’ai lu Stasiland, du journalisme d’investigation et j’adore
    quand on parle de la vie des gens, le sujet prend une toute autre hauteur
    je le note !

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