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Rue Duplessis · Jean-Philippe Pleau

Ce roman (mettons) m’est arrivé comme un radeau de sauvetage sur une mer houleuse. Après plusieurs déconvenues, j’ai enfin trouvé chaussure à mon pied. Précieux roman, va. J’ai passé un week-end entier collée serrée contre Rue Duplessis: ma petite noirceur.

En gros et pour faire simple, c’est le récit d’un transfuge de classe. C’est l’histoire d’un gars qui voyage d’une classe sociale à une autre, avec tous les cataclysmes que ça génère. C’est l’histoire banale d’une grosse misère (économique, morale et culturelle): un père analphabète, une mère peu scolarisée, un petit garçon curieux qui grandit. Les études universitaires en sociologie ouvrent les portes d’un autre monde à cet enfant devenu grand.

Jean-Philippe Pleau décortique le milieu qui l’a façonné avec son «je», un «je» social qui ratisse large, touchant ceux qui, comme lui, ont échappé à leurs origines pour se retrouver pris entre deux chaises. Le récit de cette traversée entre deux mondes sociaux mélange roman et essai avec brio. Il y a ce style neutre, sans lyrisme, qui va droit à l’essentiel. Cette déclaration d’amour à son passé et à ses proches m’est allée droit au coeur.

Nos histoires familiales nous déterminent et nous façonnent. Ne pas le voir revient à se maquiller les jours de grande fatigue.

Je suis un gâteau Duncan Hines sur lequel on a crissé un glaçage aux truffes.

Regarder les gens de haut, c’est se condamner à les voir minuscules.

Le principe du préjugé, c’est de juger sans connaître. Une fois enraciné dans une pensée, c’est comme un tapis à pouels longs qu’on souhaite arracher du plancher en bois franc sur lequel il a été posé: c’est difficile en sacrement d’enlever toute la colle.

Quand mes parents sont venus à la maison après l’installation des nouvelles moulures, ils se sont étonnés: Vous en aviez des neuves, et vous avez fait installer des fausses vieilles? Voyons, les moulures blanches en MDF, ça se lave super ben. Mon père et ma mère ont intériorisé l’idée que les vieilles choses sont liées à la pauvreté, alors que les neuves sont synonymes de progrès. Moi, en voyageant d’une classe sociale à l’autre, j’ai appris que les antiquités ont une histoire. Et pas nécessairement un récit qu’on cherche à oublier.

Rue Duplessis : ma petite noirceur, Jean-Philippe Pleau, Lux, 2024, 328 p.

Rating: 5 out of 5.

© unsplash | Garett Mizunaka

8 comments

  1. J’ai bien hâte de l’avoir en main. Je l’ai commandé mais pas encore arrivé! Beau billet gentille dame!

  2. oh le voilà ton roman québécois qui t’a sauvé ! du coup, j’ai pensé à Annie Ernaux et Eddy Bellegueule, tous deux des «transfuges»
    j’ai bien envie de le lire aussi du coup !

    1. Justement, il parle beaucoup d’Édouard Louis et un peu, aussi, d’Annie Ernaux. Depuis, j’ai lu Eddy Bellegueule. Mais je n’ai pas sauté le pas avec Ernaux! Tu as lu Ernaux, toi?

    1. Il s’agit bien d’un roman, selon l’auteur, avec plusieurs passages à saveur d’essai sociologique. Mais le tout est très habillement entremêlé, donc sans lourdeur aucune.

  3. non, toujours pas
    j’ai peur d’être déçue pourtant plein de Coréennes ou Américains que je suis la lisent ! il va falloir que je me lance, on peut se prévoir une LC ?

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