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Toronto jamais bleue · Marie-Hélène Larochelle

La vie des femmes, dans Toronto jamais bleue, ne tient qu’à un fil élimé, sur le point de cassé. Il y Hannah, une jeune itinérante revêche; Carol, une toxicomane enceinte, en quête d’une nouvelle dose de drogue; Dakota, Jordan, Bridget et et Mama’, quatre vieilles prostituées qui partagent un petit studio surchargé.

Ces femmes se démènent comme elles peuvent, avec les miettes qu’elles ont. Elles trébuchent, prennent des coups, tentent d’en donner. Elles ont beau se démener comme un diable dans l’eau bénite, la vie n’est jamais généreuse avec elles.

Il lui arrive encore de sursauter à un bruit qui lui rappelle les coups de feu. Elle l’accepte. Sammy Yatim fait désormais partie d’elle, a rejoint les catastrophes qui la composent : une ride de plus au coin des yeux, une douleur de plus au bas du dos.

Toronto jamais bleue, c’est l’histoire d’une grosse misère – sociale, psychologique. L’itinérance, les problèmes de dépendances, la violence, la misogynie, la maladie mentale dégoulinent de chaque page. En éclairant d’une lumière crue la dérive des laissées-pour-compte, Marie-Hélène Larochelle ne cherche pas à séduire. Elle s’engouffre dans l’intime avec des phrases crues, un style sans fioritures. Elle plonge au cœur de la vie pour donner voix aux exclues, leur apportant une forme de dignité. La seule lumière, entre ces pages, vient de ces vieilles amies, qui veillent les unes sur les autres. Le reste baigne dans une noirceur insondable. Toronto, ici, se voit, se sent, se touche. Je me suis sentie projetée dans la ville, son arrière-scène et ses bas-fonds.

La lecture de Toronto jamais bleue est éprouvante, bouscule. Cette histoire darde le cœur, remue, éclaire. Elle donne envie de tendre la main à l’autre, de lui sourire, sans juger. N’est-ce pas là le geste le plus noble que peut apporter la littérature? J’aime à le penser.

Je ne comprends pas le choix de la photo en couverture. Avec ces lumières colorées, on dirait une trapéziste de cirque tombée de son trapèze. Ou la photo choisit pour illustrer un roman érotique repêché des années 1990.

Toronto jamais bleue, Marie-Hélène Larochelle, Leméac, 2024, 200 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Anton Melekh

12 comments

    1. J’aimerais le lire pour la première fois. Je l’ai lu il y a plusieurs semaines et encore aujourd’hui, des passages me reviennent à l’esprit, une foule d’images surgissent. C’est digne d’une grand roman…

  1. Déjà noté dans ma liste à lire. J’avais beaucoup aimé son premier roman : Daniil et Vanya et je me permets de t’en conseiller la lecture. Belle journée.

    1. Après cette lecture marquante, je prends bonne note du titre de son premier roman. Je crois l’avoir vu, justement, dans une boîte à livres près de chez moi. J’y file!

  2. ton coup de coeur ! oui pareil que toi, le choix de la couverture m’interroge, anciennes prostituées / bas résille ? bref.. mais tant mieux si tu as aimé ta lecture, car je sais que tu as connu aussi quelques abandons…

    1. Ce n’est pas le fameux coup de coeur, mais on était proche. La lecture de ce roman marquant précède ma série d’abandons. Ça va mieux. J’ai lu trois petits romans, ce week-end. Bon timing et bonne disposition!

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